Quand l'enfouissement du CO2 n'est pas encore la panacée

Publié le 2 Avril 2013

CO2L'enfouissement du CO2 comporte de gros risques. Il peut, d'après cet article, libérer des substances dangereuses, voire mener à des asphyxies de grande ampleur.

Il faut donc continuer à mener des recherches en la matière et faire tout pour limiter le rejet de CO2, dans l'atmosphère bien sûr, mais aussi si on veut l'enfouir.

Un article du journal 'Le Monde' daté du 23 Novembre 2012

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Enfouir le CO2, une solution à risque
Une étude de l'Ineris pointe le danger d'une pollution par des métaux lourds toxiques

Se débarrasser du gaz carbonique, principal agent du réchauffement climatique, en le récupérant dans les fumées des usines et des centrales thermiques, puis en l'enfouissant à des milliers de mètres de profondeur, pour des siècles ou des millénaires. La solution est séduisante sur le papier, mais pas sans danger. C'est ce que montre une étude de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), rendue publique mardi 20 novembre. Elle met en évidence la possible " remobilisation de métaux lourds en sous-sol ", qui " pourrait présenter un risque pour la santé et l'environnement ".

Encore au stade expérimental, le captage-stockage du CO2 est l'une des pistes explorées pour limiter l'effet de serre. Selon l'Agence internationale de l'énergie, près de 20 % des rejets mondiaux de CO2 dans l'atmosphère pourraient ainsi être évités, à l'horizon 2050. Quelque 130 démonstrateurs sont en cours de développement ou en projet, principalement aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Chine. Mais il n'existe que très peu de sites opérationnels. En France, une expérimentation est menée par Total dans le bassin gazier de Lacq (Pyrénées-Atlantiques). Et, à Florange (Moselle), le projet Ulcos est candidat à un financement européen, sous réserve d'une relance des hauts-fourneaux lorrains.

L'Ineris a mené un essai grandeur nature, dans un aquifère salin du bassin de Lodève (Hérault). Une solution de 3 m3 d'eau saturée en CO2 a été injectée dans un forage, à 56 mètres de profondeur, puis repompée au bout de 80 heures. L'analyse physico-chimique de l'eau, avant et après injection, a révélé qu'elle s'était chargée en différents métaux, particulièrement en zinc, en fer et en manganèse, dont les concentrations respectives ont été multipliées par 25, par 13 et par 5. Mais aussi en arsenic, dont la teneur a doublé.

" Des contaminants naturellement présents dans la roche-réservoir peuvent être libérés, parfois dans des proportions importantes, par les interactions avec le CO2 qui acidifie le milieu ", explique Pierre Toulhoat, directeur scientifique de l'Ineris. La crainte n'est pas une pollution des nappes salines souterraines dans lesquelles serait piégé le gaz carbonique, leur saumure étant impropre à la consommation. Elle est que les métaux lourds libérés, potentiellement toxiques (arsenic, plomb, zinc, cuivre, uranium...), remontent avec la saumure jusqu'aux nappes phréatiques, situées plus haut et alimentant, elles, les réseaux d'eau potable.

Puissance meurtrière

Le danger le plus souvent pointé jusqu'ici, dans la mise en oeuvre du captage-stockage, était que du CO2 s'échappe accidentellement, lors de son transport par gazoduc ou de son injection dans le sous-sol. Ou encore qu'une fois enfoui, il remonte par une faille jusqu'à la surface. Le dioxyde de carbone est un gaz corrosif et toxique, létal à une concentration de 10 % dans l'air. Des catastrophes naturelles témoignent de sa puissance meurtrière : en 1986, au Cameroun, un dégazage brutal, dans le lac volcanique Nyos, a provoqué la mort par asphyxie de 1 700 personnes.

La possibilité d'une contamination de l'environnement, sur le long terme, par un relargage de métaux lourds, doit désormais être " étudiée de manière plus approfondie ", estime l'Ineris. Pour les projets de séquestration géologique du CO2, ajoute Pierre Toulhoat, " des évaluations de risques devront être faites site par site ". Un obstacle supplémentaire à surmonter, pour une filière de captage-stockage encore loin d'être arrivée à maturité.

P.L.H

Rédigé par Philippe NOVIANT

Publié dans #Informations

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