Quand le gaz de schiste promeut la culture de certaines plantes

Publié le 30 Août 2012

guar_gum.jpgCet article est très surprenant et très intéressant. Il évoque les besoins dans une certaine plante, le guar, par les producteurs de gaz de schiste.

Cela mènera-t-il au problème d'alimentation du bétail ? Cela pourra-t-il mener à une problématique de mono-culture en Inde ? Seul l'avenir nous le dira.

Un article du journal 'Le Monde' daté du 24 Août 2012

****************

Le haricot de guar indien dopé par le gaz de schiste
La plante, dont la gomme sert aux forages pétroliers, vaut de l'or pour les paysans. Mais le filon risque de se tarir
New Delhi Correspondance

Les vaches du Rajasthan ont du souci à se faire. Les compagnies pétrolières texanes se sont mises à consommer une légumineuse qui leur servait de fourrage, en forme de long haricot et poussant dans les régions désertiques ou semi-désertiques d'Inde.

Le guar, qui n'était cultivé au départ que pour nourrir le bétail, puis a été utilisé dans l'industrie agroalimentaire comme agent émulsifiant, est devenu très recherché par les compagnies pétrolières pour exploiter leurs gisements grâce à la technique de la fracturation hydraulique.

La poudre ou la gomme tirée des graines de guar facilite en effet, en épaississant les fluides injectés dans la roche, l'extraction du gaz ou du pétrole, puis leur récupération. Alors que quelques grammes de guar suffisent pour fabriquer une crème glacée, il en faut en moyenne neuf tonnes pour un forage de pétrole ou de gaz de schiste.

En Inde, d'où proviennent 80 % de la récolte mondiale du guar, cette hausse brutale de la demande a entraîné une flambée des cours. " Entre 2010 et 2012, le prix de la tonne est passé de 1 500 à 20 000 dollars - de 1 200 à 16 000 euros - . Et nous avons encore aujourd'hui quatre ou cinq nouveaux clients américains par mois ", indique Shwet Kamal Sharma, le directeur de l'usine Lotus Gums & Chemicals située à Jodhpur.

L'entreprise devrait tripler son chiffre d'affaires cette année. Mais son patron reste prudent. Le marché à terme de la légumineuse a été suspendu en mars, après une multiplication par dix des cours en seulement un an. Et, avec une superficie cultivée qui devrait au moins doubler cette année en Inde, les cours ont déjà diminué de moitié depuis le deuxième trimestre.

" Avec la mauvaise mousson qui s'annonce, les agriculteurs se sont massivement tournés vers la culture du guar ", explique Purushottam Sharma, coauteur d'un article sur la légumineuse publié dans la Revue de recherche sur l'économie agricole. Mais il ajoute : " La production de guar est très volatile d'une année sur l'autre, car elle est souvent cultivée dans des zones non irriguées et sans engrais. La récolte dépend des conditions climatiques. " C'est seulement en octobre et en novembre, après la saison de la mousson, que les agriculteurs sauront si la production était bonne.

Grâce à la demande des compagnies pétrolières texanes, le guar est devenu, dans les régions désertiques d'Inde, une mine d'or. Des paysans, comme les producteurs de coton au Pendjab, se sont convertis à cette culture, alors que le guar était jusque-là réputé comme étant la plante des pauvres, poussant sur des petits lopins de terre aride.

Rien qu'au Rajasthan, qui fournit la moitié de la production indienne de guar, les surfaces cultivées ont augmenté d'un tiers, passant de 3 millions d'hectares en 2011 à 4 millions d'hectares cette année.

Résultat, les semences sont devenues rares. La coopérative publique du Rajasthan a décidé de n'en autoriser la vente qu'aux agriculteurs les plus fragiles, appartenant à la caste des intouchables ou à des tribus répertoriées. Les cultivateurs qui les reçoivent s'engagent à vendre leurs récoltes aux fabricants de gomme de guar. L'un de ces producteurs, Vikas WSP, qui devrait voir son chiffre d'affaires passer de 180 millions d'euros cette année à 900 millions d'euros en 2013, a ainsi distribué près de 3 000 tonnes de semences à environ 200 000 paysans.

Des équipes d'agronomes ont été constituées pour les aider à maximiser leurs rendements. Les fabricants de gomme ont aussi sécurisé leurs approvisionnements de semences en nouant des partenariats avec des universités du pays.

D'autres Etats indiens que le Rajasthan ou l'Haryana, second producteur du pays, expérimentent eux aussi cette culture. Même si les promesses de réussite sont loin d'être certaines. Car la plante doit être cultivée dans une zone tropicale ou semi-tropicale, et sur une terre aride.

Les cultivateurs de guar ne sont peut-être pas devenus aussi riches que des émirs du Qatar, mais la légumineuse a au moins changé leur vie. Au Rajasthan, les concessionnaires de tracteurs ont vu leurs ventes exploser. Les prix des terres dans les régions arides ont rapidement augmenté. Et les mariages, dont la saison débute cet automne, s'annoncent somptueux.

Le miracle du guar pourrait toutefois être de courte durée, au risque de mettre en difficulté toute la filière industrielle. Deux brevets sur des produits synthétiques de substitution ont été déposés en juin aux Etats-Unis, où l'industrie pétrolière préfère dépendre d'un brevet plutôt que des aléas de la mousson. L'entreprise parapétrolifère américaine Baker Hugues, qui a mis au point l'Aquaperm, a déclaré avoir remplacé 5 % de sa consommation de guar par ce produit synthétique. Sa concurrente Halliburton a commencé à utiliser un autre substitut, le Permstim, dans quelques forages pétroliers aux Etats-Unis.

" Les produits synthétiques sont encore loin d'avoir les mêmes propriétés que le guar ", assure toutefois Purushottam Sharma. Les vaches du Rajasthan vont devoir encore attendre pour brouter à nouveau leurs haricots préférés.

Julien Bouissou

    En France, l'hydrocarbure non conventionnel en débat

    Les huiles et gaz de schiste seront au coeur de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, n'excluent pas d'autoriser l'exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels - présents dans le sud-est et l'Ile-de-France - si une technique moins polluante que la fracturation hydraulique était découverte. M. Ayrault a indiqué, le 22 août sur RMC et BFMTV, " que le débat n'était pas tranché ". Interrogée lors des Journées d'été d'Europe Ecologie-Les Verts, Delphine Batho, ministre de l'écologie, a répondu qu'elle se prononçait en fonction de ce qui existe : " Actuellement, la fracturation hydraulique est la seule solution technique qui existe et elle pose problème (...). Je pense que la transition énergétique, ce n'est pas d'aller vers de nouveaux hydrocarbures. "

    En France, la fracturation hydraulique est interdite depuis la loi du 13 juillet 2011.

Rédigé par Philippe NOVIANT

Publié dans #Informations

Repost0
Commenter cet article